La dégradation de l’environnement reste une préoccupation majeure, même si elle recule légèrement depuis la crise sanitaire. Les Français sont conscients de l’urgence climatique et de la nécessité de changer nos modes de vie. On observe une accélération des changements de pratiques et une volonté de s’investir par des actes citoyens. L’adhésion à des mesures de politiques publiques, parfois contraignantes, reste massive. Les Français attendent que la société se transforme et évolue vers plus d’équité, de démocratie et d’écologie.
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Après une hausse importante en 2019 de la préoccupation environnementale (+ 8 points), on observe depuis le début de la crise sanitaire une légère baisse (- 3 points), laissant la place aux enjeux de santé publique mais aussi d’immigration, et reléguant l’emploi en quatrième position.
Des Français conscients de l’urgence climatique et prêts à accepter des changements dans leurs modes de vie
Le degré d’optimisme quant à la limitation « à des niveaux raisonnables » du changement climatique d’ici à la fin du siècle a sensiblement diminué, de 40 % en 2014 à 34 % aujourd’hui. Deux tiers des Français considèrent que les conditions de vie deviendront extrêmement pénibles à cause des dérèglements climatiques. Seulement 32 % pensent qu’on s’y adaptera sans trop de mal, idée partagée notamment par les plus âgés (39 % des plus de 65 ans contre 21 % des 15-17 ans).
Face à ce pessimisme accru, 58 % des Français considèrent qu’il faudra modifier de façon importante les modes de vie pour limiter le changement climatique, contre seulement 13 % qui misent sur les progrès techniques.
64 % accepteraient ces changements à condition qu’ils soient partagés de façon juste entre tous les membres de la société, devant la condition qu’ils soient décidés collectivement (41 %), qu’ils restent dans des proportions modérées (34 %), ou encore que les inconvénients soient compensés par d’autres avantages (33 %).
Malgré une légère baisse cette année après une nette hausse en 2020, les Français se déclarent sensiblement favorables à l’ensemble des mesures de politiques publiques destinées à lutter contre les émissions de gaz à effet de serre (GES) : augmenter le prix des produits de consommation qui sont acheminés par des modes de transport polluants (63 % contre 72 % en 2020, malgré cette forte baisse, la tendance est globalement à la hausse depuis 2011 : + 10 points), taxer les véhicules les plus émetteurs de gaz à effet de serre (61 % contre 69 % en 2020, retrouve le niveau de 2019), taxer le transport aérien (65 % contre 67 % en 2020, mais avec une tendance nettement à la hausse de + 20 points par rapport à 2014), obliger les propriétaires à rénover et à isoler les logements lors d’une vente ou d’une location (69 % contre 71 % en 2020). Un Français sur deux se déclare favorable à l’augmentation de la taxe carbone (51 %, – 3 points par rapport à 2020, après une hausse de 8 points l’année dernière). Mais sous condition d’équité sociale (« que cela ne pénalise pas le pouvoir d’achat ») et d’affectation des recettes (« financer des mesures de transition écologique »), l’acceptation d’une taxe carbone devient très largement majoritaire (77 % en 2020 et 72 % en 2021). L’adhésion pour certaines de ces mesures a atteint un niveau élevé, et il faudra vérifier à l’avenir si les évolutions constatées cette année sont conjoncturelles ou marquent un renversement de tendance.
Pour lutter contre la pollution de l’air, les mesures d’incitation à l’usage de moyens de transport alternatifs sont plébiscitées, mais les Français expriment aussi un soutien massif aux propositions visant spécifiquement à limiter l’usage des véhicules polluants dans les agglomérations : outre le développement de lieux permettant l’accès à de multiples services de proximité limitant le recours à la voiture (85 %) ou la mise en place de mesures favorisant le télétravail (78 %, – 5 points par rapport à 2020), le soutien à la mise en place de la circulation différenciée en cas de pic de pollution se maintient à un haut niveau (58 %, + 23 points depuis 2014), comme l’interdiction toute l’année de la circulation des véhicules les plus polluants dans une partie de la ville ou de l’agglomération (57 %, + 17 points depuis 2014).
Des Français prêts à s’engager à leur échelle
L’engagement personnel pour agir contre le changement climatique augmente de manière tendancielle et s’accélère nettement cette année, notamment pour les économies d’énergie dans le logement et les pratiques de consommation. Par exemple, 58 % des Français déclarent « consommer moins » (plus haut niveau atteint avec une hausse de + 10 points par rapport à 2020 et + 21 points depuis 2017) et 26 % déclarent pouvoir le faire assez facilement mais ne le font pas encore, ce qui présente un potentiel important. De même, choisir des produits avec peu d’emballage progresse de 9 points de pourcentage pour passer à 54 % cette année.
Les Français sont même prêts à s’engager par des actes citoyens forts. 27 % déclarent déjà boycotter des produits ou entreprises et 50 % pourraient le faire. 10 % déclarent être engagés dans une association de défense de l’environnement et 40 % pourraient le faire. 8 % déclarent avoir déjà participé à une action de désobéissance civile et 33 % pourraient le faire.
Un Français sur deux serait également prêt à soutenir financièrement des projets locaux de production d’énergies renouvelables. Ils sont même disposés à investir des montants plus importants qu’en 2020. Par ailleurs, 29 % prévoient d’investir dans une ou plusieurs EnR pour leur domicile, dans les 12 mois à venir, l’énergie solaire (surtout photovoltaïque) restant de loin privilégiée pour la huitième année consécutive. Cette part est la plus élevée depuis le début du baromètre et enregistre une augmentation inédite de 7 points. L’intérêt des Français pour produire et autoconsommer leur propre électricité, même si elle coûte un peu plus cher, repart également à la hausse cette année (64 %, plus haut niveau atteint).
Les leviers financiers constituent l’incitation la plus forte pour investir dans les EnR : la baisse du prix des équipements (34 %), l’augmentation des soutiens financiers (28 %) ou encore le tiers financement avec remboursement de l’écart entre l’ancienne et la nouvelle facture (19 %). Des actions pour renforcer la confiance dans les équipements EnR sont également attendues : 21 % souhaiteraient avoir la possibilité de faire garantir la qualité de l’installation/des travaux par un contrôle technique, 18 % sont demandeurs de plus d’informations sur la performance des équipements et 17 % mentionnent la labellisation des artisans garantissant une installation de qualité. À noter que l’accélération du changement climatique pourrait convaincre 20 % des Français.
Des clivages entre jeunes et seniors
Toutefois, si les personnes de 65 ans et plus se montrent nettement plus sceptiques vis-à-vis des causes anthropiques du changement climatique, paradoxalement, elles semblent plus actives dans les gestes du quotidien que les jeunes, pourtant plus alarmistes et exigeants envers les mesures à prendre face à l’urgence climatique. Mais ce surplus de pratiques économes semble se limiter pour l’essentiel à des habitudes de consommation anciennes, probablement ancrées dans les générations antérieures et restreintes à certains domaines (économie d’énergie dans le logement et achat de produits locaux ou de saison). La volonté d’éviter le gaspillage est la principale raison incitant les Français, et notamment les plus de 65 ans, à réduire leur consommation d’énergie (33 % contre 17 % des moins de 35 ans).
Les moins de 35 ans s’avèrent être moins informés des sources de pollution de l’air et des gestes du quotidien à appliquer. À titre d’exemple, 67 % des moins de 35 ans s’étonnent d’apprendre la nocivité du chauffage au bois du fait de la pollution aux particules fines générée, contre 54 % des plus de 35 ans. Ils ont également une moins bonne connaissance des énergies renouvelables. Spontanément, 48 % n’en citent aucune, contre 27 % des plus de 35 ans.
Des Français en attente d’une société plus juste, plus démocratique et écologique
Un Français sur deux estime que c’est à chacun d’entre nous d’agir pour résoudre le problème de changement climatique. Mais si les États sont considérés comme l’acteur qui serait le plus efficace (49 %), loin devant les entreprises (24 %), ou encore les collectivités (21 %), les acteurs locaux sont vus comme les plus actifs aujourd’hui : en premier lieu, les associations, puis les collectivités, devant les États.
Les Français attendent un État fort qui anticipe les risques. 81 % d’entre eux souhaitent que les mêmes moyens soient déployés par l’État pour la lutte contre le réchauffement climatique que pour la lutte contre le Covid-19 (+ 4 points par rapport à 2020).
Face à un sentiment d’insécurité croissant, ils considèrent à 65 % que l’État doit anticiper et préparer le pays à toutes les menaces, même si cela doit augmenter les dépenses et les impôts. 53 % des Français seraient prêts à payer plus d’impôts pour certains domaines d’action publique, notamment la santé et l’environnement.
Parmi les objectifs assignés aux pouvoirs publics pour la sortie de crise, la réduction de l’impact de l’homme sur la planète (+ 11 points par rapport au début de la crise) talonne désormais le renforcement des services publics, thématique systématiquement prioritaire depuis le début de la crise sanitaire, et la question de la relocalisation de la production dans certains domaines.
Globalement, 73 % des Français souhaitent que la société se transforme et évolue vers de nouveaux horizons (dont 33 % aspirent à des changements radicaux, + 5 points par rapport à 2020).
Lorsqu’il s’agit de penser une société « idéale », les Français souhaitent :
• des services publics plus forts : 80 % seraient favorables à consacrer plus de moyens aux services publics ;
• moins d’inégalités : 73 % seraient favorables à ce que les écarts de revenus soient moins importants et 69 % à une redistribution plus importante. Afin de rendre la fiscalité plus juste, 29 % préconisent une taxation accrue des hauts revenus, tandis qu’une proportion identique propose que l’impôt sur le revenu soit élargi à toute la population. 24 % attendent la suppression des niches fiscales et 17 % préconisent plutôt une diminution des impôts et taxes ;
• plus de démocratie : 72 % seraient favorables à impliquer davantage les citoyens dans les décisions qui concernent la collectivité ;
• un accent mis sur l‘écologie : 72 % seraient favorables à ce que les incitations à la consommation soient davantage régulées qu’aujourd’hui afin de maîtriser l’impact de nos modes de vie sur l’environnement ; 69 % sont en faveur d’une société qui soutiendrait exclusivement les activités économiques qui préservent l’environnement et la cohésion sociale et qui pénaliserait celles qui nuisent à l’environnement.
Si la nécessité d’agir rapidement et de faire évoluer la société rassemble une majorité de Français, ils sont plus partagés sur la manière dont les politiques doivent être conduites. L’arbitrage entre règles collectives et protection des libertés individuelles divise. 48 % des Français approuvent l’idée selon laquelle des règles collectives doivent être mises en place pour limiter les comportements individuels nocifs pour l’environnement. Tandis que la même proportion estime que la préservation des libertés individuelles doit prévaloir sur la défense d’enjeux collectifs liés à l’environnement (plus forte adhésion parmi les bas revenus et les moins préoccupés par l’environnement).
Un équilibre à trouver entre modification des modes de vie et innovations technologiques
Nous avons vu que les Français croyaient davantage aux changements dans nos modes de vie qu’au progrès technique pour limiter le changement climatique (58 % contre 13 %). S’ils jugent les technologies importantes dans le développement économique du pays et utiles au quotidien, leur impact sur l’environnement pose question. Par exemple, l’augmentation de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre lié au développement des data centers représente le principal inconvénient perçu pour la 5G et les objets connectés. Le deuxième inconvénient perçu pour la 5G étant la nécessité de s’équiper de nouveaux appareils (téléphones, forfaits…). Aujourd’hui, moins d’un Français sur deux (45 %) serait prêt à utiliser la 5G.
Au final, pour 7 Français sur 10, la course à l’innovation n’est pas compatible avec la préservation de l’environnement. Pour 79 %, les évolutions technologiques nous poussent à changer notre matériel trop souvent alors que 92 % des consommateurs sont en demande d’appareils qui durent plus longtemps. Globalement, 83 % des Français souhaiteraient vivre dans une société où la consommation prend moins de place.
Sources :
• 22e vague du baromètre ADEME sur les Représentations sociales du changement climatique, 2021 • Baromètre ADEME sur les nouvelles technologies avec un focus sur le numérique, 2021
• 8e vague du baromètre ADEME sur la qualité de l’air, les EnR et les travaux de rénovations dans le logement, 2021
• Sensibilité à l’environnement, action publique et fiscalité environnementale Questions ADEME insérées dans le dispositif d’enquête « conditions de vie et aspiration » du CREDOC, 2021
• Baromètre Greenflex/ADEME sur la consommation responsable, vagues 2021